Les héritiers de la presqu'île JUMINER Bertène

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Un détective privé, un certain Bob Y. Bacon, "diplomé de l'Académie de Paris et du New-jersey", personnage ambigu, haut en couleur, amateur de filles, pastiche plus que réalité, occupe apparemment la vedette en ce livre, s'efforçant nonchalamment d'éclairer une obscure histoire conjugale. Mais on ne saurait réduire cet ouvrage à une histoire policière, si savoureuse soit-elle. Document sur la "presqu'île"? Oui, sans doute, et le lecteur, et, plus encore les gens avertis du monde dakarois, seront comblés par l'extraordinaire et ironique acuité du coup d'oeil de Juminer.
Voici le peuple de la Médina et de Colobane, voici les fonctionnaires de l'administration, voici les habitués des bars, voici Gorée, admirablement évoquée. Document donc, et de première main. Mais ce serait encore trop peu dire. Et s'il s'agissait des femmes africaines dont l'auteur donne à voir quelques inoubliables visages: Il y a la séduisante Nafissatou, et surtout Mado dont la présence s'impose dans ce roman de toute son authentique et émouvante humanité.
Fatim, enfin, dont on parle, cherchée, jamais vue; qui est Fatim? Symbole ou réalité? La femme africaine? L'Afrique, elle-même, peut-être?. Et nous en arrivons à l'essentiel, sans doute, à l'Héritage, aux Héritiers. Et c'est en ce point que cet ouvrage, neuf à tant d'égards par rapport aux romans précédents: les Bâtards et Au seuil d'un nouveau cri, marque la continuité d'une quête chez le romancier qui atteint ici la parfaite maîtrise de son art.
Il s'agit d'une quête d'identité, de la reconnaissance d'un héritage: "je suis sénégalais. Je m'appelle Mamadou Lamine N'Diave!" s'écrie à la fin le dérisoire détective privé Bacon. "Ne venait-il pas déjà de réintégrer son nom, sa race, son âme? Plus rien n'avait d'importance".

Bertène Juminer est né en 1Bertène Juminer est né le 6 août 1927 à Cayenne (Guyane), d'un couple guyano-antillais : son père est guyanais et sa mère guadeloupéenne. Juminer débute en littérature avec Les bâtards, roman au titre choquant qui s'inspire de ses propres déboires en France. Il situe son roman dans le Paris des années 1930, où vit son protagoniste, prototype de l'étudiant guyanais. Juminer radiographie la condition d'exil et d'étiolement des Antillais et des Guyanais en métropole, puisant dans sa propre expérience, médecin formé en France et actif dans son propre pays et dans plusieurs colonies françaises. En effet, Juminer entre en fonction d'abord à Saint-Laurent de Maroni, la deuxième ville de Guyane (de 1956 à 1958), puis pratique la médecine générale en Tunisie (à Tunis de 1958 à 1966) et au Sénégal pour une courte période.


Son expérience de médecin révèle à Juminer la maléfique hiérarchie coloniale. Il constate partout l'affreuse division entre colons et colonisés, ainsi que celle entre les colonisés français de première et seconde zone. Cette division est entretenue par les Français, rendue possible par la politique de l'assimilation à laquelle son confrère, Léon-Gontran Damas, lui aussi, s'opposait. Le clivage entre insulaires et continentaux, d'une part, entre Guyanais et Martiniquais, d'autre part, est épinglé et surtout le complexe de « supériorité » de ces derniers à l'égard des Guyanais. Ce racisme de ceux qui se croient supérieurs aux habitants de cette ex-colonie pénitentiaire endommage l'unité caribéenne.


Après ses années de service médical, Juminer rentre aux Antilles. Il y est élu vice-président du Conseil Économique et Social Régional de la Guadeloupe, et il cumule les fonctions de président du Conseil d'Administration de la Société Immobilière de l'île et préside le Conseil Scientifique de l'Observatoire Régional de la Santé en Guyane.


Bertène Juminer donne une opinion désopilante de sa propre écriture. Niant qu'il soit écrivain, Juminer déclare : « Je ne saurais être le premier romancier guyanais » (propos tenus au « Pit a pawol »). Agrégé de médecine, recteur de l'Académie des Antilles-Guyane de 1982 à 1987, Bertène Juminer collabore avec l'UNESCO et est chargé en tant que président de « l'Association de gestion et d'animation ».


Stimulant l'interculturalité, Bertène Juminer valorise le créole, une des nombreuses langues en Guyane, pays amérindien. Avec Christiane Taubira (et Dudley Thompson, Suzy Castor ou encore Howard Dodson), Juminer condamne vivement l'esclavage comme crime contre l'humanité. Il introduit la notion de « réparations » au colloque organisé à Paris le 21 mai 2001 par le Comité « Devoir de mémoire », intitulé : « Esclavages et réparations ». Toute sa vie, il a lutté pour sortir la Guyane et les Antilles de l'impasse socio-économique et politique. Sa signature sous le « Manifeste pour refonder les DOM » (Le Monde du 21 janvier 2000), signé en 2000 avec Patrick Chamoiseau, Édouard Glissant et Gérard Delver, témoigne combien, jusqu'à la veille de sa mort, il s'est engagé pour couper le cordon ombilical entre la France et les DOM, tout en soudant les rapports entre Antillais et Guyanais. Il meurt le 26 mars 2003.




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