L'intérimaire noir

"Me voici devant l'employée de l'agence de travail temporaire.
Plutôt contracté. Le regard bien connaisseur me scrute, jauge. De la mécanique à offrir sur le marché du travail : elle doit pouvoir présenter certaines garanties : endurance physique, malléabilité vis-à-vis du futur utilisateur, et pourquoi pas, même une dose de naïveté que l'on essaie d'apprécier par un interrogatoire approprié. " Dès le départ, le décor est planté et la couleur, si l'on peut dire, affichée.
Lucien Samba-Kifwani scrute minutieusement un univers social, en inventorie les particularités et subtilement, de la façon la plus élégante, fait d'une réflexion sur le travail temporaire un récit dont la force provient de sa plongée dans l'expérience d'un vécu profondément humain! De sorte que l'immigration échappe à toute saisie abstraite, pour emprunter des voies qui se révèlent être comme autant de miroirs de sa véritable physionomie : à savoir, l'ignoble mutilation de l'existence d'un individu, quel qu'il soit ou quelle que soit son origine.
Mais si ce récit nous conquiert à ce point, cela provient, bien évidemment, de la force de conviction de son auteur, et surtout de la force d'une écriture extrêmement élégante qui, dans un même mouvement, parvient à générer une analyse minutieuse obtenue grâce à un sens du mot juste assez frappant, tout en évoquant les détails révélateurs de la psychologie d'une vie en groupe restreint. C'est la naissance d'un écrivain à l'écriture à la fois soignée et précise, et même légèrement précieuse.