Toussaint Louverture CÉSAIRE Aimé

Toussaint Louverture Zoom

La geste de Toussaint-Louverture que propose ici  Aimé Césaire s'étend au-delà des limites de l'histoire d'Haïti et de son émancipation ; elle constitue un temps fort de l'histoire universelle.

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Saint-Domingue est le premier pays des temps modernes à avoir posé dans la réalité, et à avoir proposé à la réflexion des hommes - et cela dans toute sa complexité ; sociale, économique, raciale -, le grand problème que le XXe siècle s'essouffla à résoudre : le problème colonial. Le premier pays où s'est noué ce problème. Le premier pays où il s'est dénoué. Quand pour la première fois, Toussaint Louverture fit irruption sur la scène historique, bien des mouvements étaient en train : le mouvement blanc vers l'autonomie et la liberté commerciale, le mouvement mulâtre vers l'égalité sociale ; le mouvement nègre vers la liberté. Le pouvoir bourgeois issu de la Révolution française éprouva que la liberté est indivisible, que l'on ne pouvait accorder la liberté politique ou économique aux planteurs blancs et maintenir les mulâtres sous la férule ; que l'on ne pouvait reconnaître l'égalité civile aux hommes de couleur libres et dans le même temps maintenir les nègres dans l'ergastule ; bref que pour libérer une des classes de la société coloniale, il fallait les libérer toutes, et que pour les libérer toutes, il fallait libérer Saint-Domingue elle-même, remettre en jeu l'existence même de la société coloniale : ce qui parut au pouvoir contraire aux intérêts de la France. Quand Toussaint Louverture vint, ce fut pour prendre à la lettre la Déclaration des droits de l'homme, ce fut pour montrer qu'il n'y a pas de race paria ; qu'il n'y a pas de pays marginal ; qu'il n'y a pas de peuple d'exception... On lui avait légué des bandes. Il en avait fait une armée. On lui avait laissé une jacquerie. Il en avait fait une Révolution ; une population, il en avait fait un peuple. Une colonie, il en avait fait un État ; mieux, une nation.

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 Aimé Césaire naît le 26 juin 1913 à Basse-Pointe en Martinique, d’un père instituteur et d’une mère couturière. Après l’obtention de son baccalauréat, il arrive à Paris en 1931 et entre en classe d’hypokhâgne au Lycée Louis-le-Grand, en plein coeur du Quartier Latin. En 1934, Césaire fonde avec d’autres étudiants antillo-guyanais le journal L’étudiant noir, dans lequel il formule pour la première fois le concept de Négritude, qu’il définit essentiellement comme une « quête dramatique » de l’identité noire, lui l’Antillais, l’homme du déracinement et de l’écartèlement, tendu vers une Afrique qu’il ne connaît pas et qu’il ne peut que fantasmer. Il intègre l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm en 1935 et commence la rédaction du Cahier d’un retour au pays natal, qu’il publie une première fois en 1939, juste avant de rentrer en Martinique où il devient professeur de lettres. En 1941, il fonde avec son épouse Suzanne Césaire la revue Tropiques, en réaction à l’aliénation culturelle que subit la Martinique et qu’il éprouve d’autant plus douloureusement qu’il est de retour au pays après dix ans d’absence. L’année 1945 est celle de son entrée en politique : il est élu maire de Fort-de-France, ainsi que député au PCF. En 1947, il collabore à la création de la revue Présence Africaine. Déçu par le parti communiste qui n’accorde aucune importance aux problèmes spécifiques des Antilles et du monde noir, Césaire fonde en 1957 le Parti progressiste martiniquais. Il défendra durant toute sa vie d’homme de lettres et d’homme politique des positions farouchement anticolonialistes. Il meurt à Fort-de-France en 2008.


            Césaire est l’auteur d’une oeuvre conséquente et protéiforme. Tout à la fois poète, dramaturge, essayiste, il a su couler sa parole dans différents registres, du Cahier d’un retour au pays natal au Discours sur le colonialisme. Dans une langue véhémente, furieuse, au rythme cardiaque et aux images pyrotechniques, il est peut-être le poète de la Négritude à avoir exprimé avec le plus de justesse et le plus de force la sensibilité noire. Ses livres témoignent d’une grande exigence lexicale, d’un goût du mot juste et d’un amour de la langue française, qu’il manie « comme il n’est pas aujourd’hui un Blanc pour la manier », aux dires d’André Breton. Par-delà la rage et l’indignation à la source de toute son oeuvre, celle-ci proclame un message d’espoir fraternel, confiant en la possibilité d’une entente entre les hommes, qui s’exprime glorieusement dans l’envoi du Cahier d’un retour au pays natal : « Il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu'à fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite. »


 


           

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